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​NOÏZEFER CWU

 

Performance

2004

T. St-Pierre et P.-A. Gauthier

Urban Realities, project of intervention in Sherbrooke and collective exhibition at Galerie Horace (Qc, Canada).

(Text in french only)

 

Pour « Réalités Urbaines », la performance de Noïzefer CWU prime sur l’installation en galerie; quoique cette dernière relève d’une fonctionnalité dont on ne saurait se passer : celle de la documentation et de l’illustration figée du bref moment de la performance (le 20 novembre 2004, 16:00, centre-ville de Sherbrooke). Au sujet de la performance, l’installation témoigne donc, mieux que toute explication, de l’allure des performeurs. Ainsi équipé, le duo Noïzefer CWU se balade sur la rue Wellington, projetant une musique agressive et distribuant des « flyers » en guise de publicité pour un événement musical fictif.

 

Trêve de formalités sur la nature et l’allure de l’acte, qu’en est-il du sujet abordé par Noïzefer CWU dans le contexte de « Réalités Urbaines ». Nous répondrons d’abord par une question à la volée : qu’est-ce que la ville? Maintes réponses à cette question affluent, certes, mais nous avons choisi de l’interpréter comme un lieu de passage, d’effervescence de véhicules, de passants déambulant. Mais attention, aux côtés du réseau lymphatique quotidien de la ville (maintenant cœur malade d’un entrelacement d’autoroutes dévouées à la voiture – dans sa forme actuelle et peut-être même future, aussi écologique qu’elle soit!), nous côtoyons d’autres trames citoyennes qui se prolongent sous terre et se ramifient jusque dans la culture « underground ». Soit celle qui a capter notre intérêt pour « Réalités Urbaines ».

 

Comme nous le rappellent maintes affiches de signalisation urbaines: « Ne Stationnez Pas ». Ce qui revient à dire (de façon moins symbolique, assurément plus terre à terre, mais tout de même dérivée d’une lecture artistique, presque conceptuelle) : évitez de percevoir le lieu urbain comme un potentiel point d’arrêt, de repos; laissez plutôt la place aux mouvements et aux vigoureux transits des transactions commerciales, humaines, sociétales, fonctionnelles et, donc, effectives pour une culture ou une société donnée, la notre dans ce cas. C’est le règne de la production, fille de l’agitation et des mouvements transactionnels. Mais la marge sociale itinérante, faute de logis digne des douces banlieues, où peut-elle « stationner »? Dans les plus bas fonds des cités, dans les égouts? Ainsi à l’abri des yeux des passants fonctionnels dans la cité. Déjà en marge d’un système de mouvements et de transits, leur intégration est difficile et l’on dit gaiement « dégagez, ne flânez pas ici! ». Telles sont donc les idées qui ont fini par forger notre production artistique pour « Réalités Urbaines ».

 

Quelque part entre une action dite « interventionniste » [1] et la manifestation, voire la rébellion, marginale ou, selon une échelle plus commune, juvénile, la performance de Noïzefer CWU cherche donc simplement à tourner l’attention des passants, le but en soit étant de déranger.

 

Accompagnant la performance au Centre-Ville de Sherbrooke, une trame sonore dans la veine des productions précédentes de Noïzefer. La trame est diffusée par un karaoké dissimulé dans un petit chariot; chariot servant typiquement à traîner l’ensemble des biens matériels de maints sans-abris. C’est cette trame qu’il est possible d’écouter en galerie, ce qui nous guide finalement vers une interprétation propre à cet élément de l’œuvre.

 

Qu’est-ce que le « noise »2 et le bruit? Kahn [2] le présente, en rappelant sa signification plus générique, comme l’indésirable; le rebus dépourvu de sens, voire dépourvu de fonction sociale dans le cas d’une marginalité punk ou itinérante. C’est à cette pensée reflétant un certain activisme culturel de l’indésirable que les «flyers» d’un faux groupe de musique « noise » font référence.

 

Noïzefer CWU est un ensemble de musiques extrêmes se produisant sur support d’enregistrement fixe; flirtant avec les plus hauts niveaux sonores inscriptibles sur support numérique, Noïzefer CWU présente des expériences auditives désagréables et bruyantes. Quelque part entre la frustration musicale, voire médiatique, et les cultures de masse. Mais au-delà du choquant pour l’ouïe, « célébrer le bruit [lire ici : ce que l’on cherche à supprimer en des conditions normales] devient aisément une tactique au sein d’un exercice de suppression de quelque chose d’autre » [2].

 

Références bibliographiques

 

[1] Nato Thompson, Gregory Shollette, «The Interventionists – Users’ Manual for the Creative Disruption of Everyday Life», The MIT Press, 2004.

[2] Douglas Kahn, «Noise Water Meat – A History of Sound in the Arts», The MIT Press, 1999.

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1 - On se réfère ici à un étrange néologisme néanmoins massivement utilisé pour désigner la combinaison de l’installation et de la performance (ou action), toutes deux issues d’une procédure artistique actuelle.

 

2 - Nous avons conservé le terme anglais pour ici rappeler tout ce que peux sous-entendre le terme « noise », plus spécialement en musique où l’on parle ainsi de l’usage extrême des bruits numériques et des distorsions : soit de la matière indésirable à son état brut, exagéré.

Photo credits: P.-A. Gauthier, T. St-Pierre with the help of Charles Varin

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